Marthe Vassallo - Les fantômes sont des choses qui arrivent

Rédigé par Yahiko 2 commentaires
Marthe Vassallo pose en robe longue à fleurs au milieu des arbres. Des vêtements blancs sont étendus sur des cordes à linge autour d'elle.

Le 22 juillet nous sommes allés, avec mon épouse, voir le spectacle de Marthe Vassallo, intitulé Les fantômes sont des choses qui arrivent, à l'abbaye de Bon Repos, dans les Côtes d'Armor. Trop de virgules. N'ayant pas forcément l'habitude de ce genre de spectacle vivant, je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre. Mais le thème et le lieu m'inspiraient.

Le lieu

Parlons rapidement du lieu. L'abbaye Notre-Dame de Bon-Repos est une abbaye cistercienne fondée en 1184 par la famille de Rohan. Elle est située au bord du Blavet (fleuve breton qui va de Bourbriac à Lorient), aujourd'hui canalisé par le canal de Nantes à Brest, et en lisière de la forêt de Quénécan. Délaissée au XIXème siècle, elle restera en ruine et habitée par la végétation jusqu’en 1986, où l’association des Compagnons de l’abbaye de Bon-Repos commence une restauration de l'édifice. L'angle sud-est est totalement restauré, laissant la façade et l'abbatiale à l'état de ruine.

L'abbaye de Bon-Repos est aujourd'hui un des cinq domaines départementaux des Côtes d'Armor et propose des expositions, des installations d'art contemporain, des résidences d'artistes, des spectacles (dont le plus connu est sûrement le son et lumière qui se déroule en face tous les étés) et tout un tas d'activités et d'ateliers. Et les alentours invitent à la balade autour de ce magnifique monument. Et je sais de quoi je parle, j'habite à côté et j'y vais souvent. Si vous êtes de passage en centre Bretagne, allez y faire un tour. Vous ne regretterez pas.

Non en fait, ne venez pas, restez chez-vous. C'est nul et moche le centre Bretagne. Bouuuh ! Pas beau !

Photo de la façade de l'abbaye depuis le pont
Photo de la façade de l'abbaye depuis le pont
Prise le 21 août 2019 - Lumix GX80, retravaillée (saturée surtout) sur Adobe Lightroom Android

Le spectacle

Avant de commencer à mes déblatérations, voici la présentation officielle du spectacle :

Y croire ou ne pas y croire ? Là n'est pas la question. Marthe Vassallo propose d’écouter, tout simplement, les histoires de ceux qui rapportent avoir rencontré des fantômes : comme des expériences humaines où se dessine le monde des vivants, leurs faims et leur générosité, les pleins et les creux de leur mémoire, leurs arrangements intimes avec la mort et les morts. Un spectacle en récits et chansons, chaleureux et émouvant, qui fait corps avec le lieu qui l’accueille.

Nous sommes assis sur des chaises disposées en demi-cercle dans le cloître de l'abbaye, entre vieilles pierres et courants d'air. Des coussins sont posés au sol, devant nous. Mais bof hein, le dos, la vieillesse, tout ça. Face à nous sont disposés des petits spots LED, des draps blancs, une table à repasser et un harmonium. Une femme entre dans le cloître. Applaudissements. Elle traverse le lieu d'un pas assuré, elle allume les spots lumineux disposés de part et d'autre de l'endroit puis s'assoie devant l'harmonium et commence à jouer. Puis elle parle d'un voix claire et puissante. Elle raconte, dans un passé simple impeccable, l'histoire de l'empereur Charles IV qui aurait passé une nuit des plus désagréables dans une chambre hantée.

Enfin, elle se met à chanter. D'une voix puissante et magnifique. Toujours accompagnée par son harmonium. Je ne m'attendais absolument pas à ça. Je ne connaissais pas Marthe Vassallo. N'étant pas très (du tout en fait) porté sur la musique bretonne j'étais forcément passé à côté de cette chanteuse à priori connue dans le milieu. C'est beau, très beau.

Elle continue, passant d'histoires s'apparentant à des creepypasta, ces nouvelles horrifiques modernes des internets, et du chant. Toutes ces histoires ont pour trait commun les fantômes et la mort. Alternant entre légendes et histoires orales bretonnes et folklore vietnamien, le tout ponctuée de magnifiques chants en breton et en anglais et par des réflexions sur le pourquoi du comment d'un fantôme, de la mort et d’une éventuelle vie après. Ce n'est pas seulement un spectacle de contes et légendes qui font un peu peur, Marthe Vassallo apporte aussi des pistes de réflexion. C'est une vraie diversité de mise en scène et de rythme qui est ainsi apportée par les alternances de chants, d'histoires et de réflexions. D'ailleurs les passages sur le Vietnam m'ont vraiment intéressé. Le rapport à la mort n'est pas du tout le même qu'en occident, avec des croyances d'apparence beaucoup moins macabre et moins stigmatisantes. Ce serait un sujet à creuser. Mais je divague.

Vague.

Photo du porche de l'abbaye de Bon-Repos dans le brouillard
Photo du porche de l'abbaye de Bon-Repos dans le brouillard
Prise le 30 janvier 2019 - Lumix GX80, retravaillée sur Adobe Lightroom Android

J'ai toujours été attiré par les histoires de fantômes, de revenants, de spectres. Les légendes aussi, dont le folklore breton est si riche. Et plus généralement l'étrange, l'insolite, le macabre et l’indicible. Mais malgré tout je n'y crois pas. Je ne suis pas fermé à l'idée de la vie après la mort, du retour de l'âme sur terre sous une forme ou une autre, mais je suis cartésien. Je crois ce que je vois, et celui qui me convaincra qu'il y a quelque chose de l'autre côté à intérêt à me donner de solides preuves. Toutefois, Marthe Vassallo souligne que, et je paraphrase, car je n'ai plus la formulation exacte en tête, que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'explications que cela n'existe pas. L'explication, peut-être qu'on ne l'a tout simple pas encore. Peut-être que nous ne l'aurons jamais.

En tout cas, elle semble partie prenante et croire à ses histoires. Toutefois elle n'est pas là pour convaincre. Juste rapporter et faire réfléchir. Comme le dit très bien le nom du spectacle, les fantômes, ou au moins ce qui mène à leurs histoires, sont des choses qui arrivent. Il y a suffisamment de témoignages qui semblent crédibles, faits de gens qui auraient tout à perdre à affabuler sur la question.

Ce qui est aussi intéressant avec ce spectacle ce sont les sources. Sur son site, Marthe Vassallo liste tout la bibliographie qu'elle a pu utiliser. Elle explique aussi pendant et après le spectacle le contexte des histoires qui lui ont été rapportées à l'oral. D'ailleurs, le titre du spectacle est tiré d'un article de la revue d'anthropologie Terrain. Article où est détaillée les histoires du folklore vietnamien rapportées dans le spectacle. Ce mélange entre histoires rapportées et histoires sourcées apporte une vraie diversité dans la narration, un peu éclatée qui aère le spectacle.

Et puis les draps. J'ai mentionné leur présence plus haut sans en reparler. Marthe Vassallo les plie pendant le spectacle, les défroisse, les étends. Cela habille la mise en scène, elle ne fait pas que parler sans rien faire, et surtout ils ne sont pas sans rappeler l'apparat dont on dote souvent les spectres dans le folklore.

Photo du porche de Bon Repos dans le brouillard
Photo fantomatique de la façade de l'abbaye de Bon-Repos dans le brouillard
Prise le 30 janvier 2019 - Lumix GX80, retravaillée sur Adobe Lightroom Android

Conclusion parce que j'ai déjà écrit trop de conneries

J'aurais sûrement eu plus de choses à dire à dire si j'avais écrit cet article plus rapidement. Mais peut-être pas, peut-être que je ne l'aurais pas aussi bien digéré. Reste que j'ai été conquis par Marthe Vassallo. Conquis par sa narration, par son exposition du sujet et par son magnifique chant. J'en ai eu des frissons, presque les larmes aux yeux que ce soit par l'émotion qu'elle transmet par sa voix que par son utilisation de l'endroit, de faire réverbérer sa voix contre les murs de l'abbaye, de jouer avec le son dans l'espace.

Et puis outre mon intérêt certain pour le sujet, le lieu a beaucoup joué sur l'envoutement que j'ai ressenti dans le spectacle. Parler d'un tel sujet dans le cloître d'une abbaye moitié restaurée, moitié en ruine fait sens. Parler de la mort et d'esprits entre ces murs qui ont une telle histoire, c'était formidable.

Je vais m'intéresser au travail de Marthe Vassallo. Je suis heureux d'avoir passé un excellent moment et si j'ai l'occasion de la revoir, je foncerais.

Je conclurais par une citation de mon épouse qui m'a fait beaucoup rire. A la sortie du spectacle, elle me sort : « J'ai dépensé 10€ pour que tu croies aux fantômes, j'espère que c'est bon maintenant ! ». Au moins ça a le mérite d'être clair.

Maintenant à la question du est-ce que j'y crois, je dirais que pas plus, pas moins. J'ai aimé la sincérité dont semblait faire part Marthe Vassallo. C'est un sujet qui m'intéresse, que les histoires soient rapportées ou simplement du folklore. Si l'idée de vie après la mort n'est pas quelque chose qui me parle plus que ça sur le plan spirituel, l'idée que quelque chose de paranormal, d'inexpliqué, se produise me fascine. Même chose avec les OVNIS ou bien les mystères plus terre à terre (disparitions ou meurtres non élucidés, ce genre de trucs). Cette incursion du monde des morts dans celui des vivants en dit beaucoup sur notre appréhension de la mort. Une part de moi a envie croire à tout ça, croiser une dame blanche au détour d'une route, des lavandières la nuit en pleine campagne (non en fait, pas trop), d'apercevoir un spectre au détour d'une photo. Sauf que pour l'instant je continue à être partagé entre un regard d'enfant qui aime se perdre dans ces imaginaires, et le scepticisme de l'adulte un peu bougon que je suis devenu.

Plus d'informations sur le site officiel de Marthe Vassallo.

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